Un lion affamé vit un taureau énorme
Et se mit dans l’esprit d’en faire sa pitance,
En songeant cependant : « Ce cornu est hors norme ! »
Il entreprit pourtant d’en dresser la potence…
Le lion décida d’abandonner la force
Pour mener à ses fins son entreprise ardue.
« La ruse » pensait-il, tout en bombant le torse,
« C’est l’unique moyen pour obtenir mon dû ! »
Ayant enfin tracé les plans de son forfait
Il alla rencontrer le féroce bovin,
Adoucissant sa voix pour parfaire l’effet :
« Que diriez-vous, mon cher, de boire un peu de vin ?
J’ai tué, hier matin, suprême privilège,
Un mouton à la chair onctueuse et délectable,
Le déguster tout seul serait un sacrilège
Venez donc partager ce festin à ma table ! »
Le taureau fut ravi par tant de bonhomie
(Ignorant les projets de l’hôte déloyal),
Et se présenta donc en cet antre ennemi
Flatté d’aller s’asseoir près du trône royal.
Mais à l’heure annoncée sa joie s’atténua
Lorsqu’il vit chez le lion des couteaux gigantesques,
Des chaudrons rappelant ceux de Gargantua
Ainsi qu’un feu intense… et pensa : « Bah, grotesque ! »
Puis, s’adressant au lion : « De qui se moque-t-on ?
Ces ustensiles-là prennent toute la place,
Ils sont trop important pour un simple mouton
Mais semblent convenir à un taureau, hélas ! »
Alors il retourna paître l’herbe du champ
Laissant le roi sournois dans ses viles pensées…
Amis, n’oubliez pas : la ruse des méchants
Ne peut être nuisible à un Homme sensé !