J'arrive où je suis étranger

J'arrive où je suis étranger

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon

Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux

Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus

Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps

C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie

C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux

O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Louis Aragon

Une très belle relecture de ce poème d'Aragon.

Il y avait longtemps que je ne l'avais plus lu.

Merci pour ce partage.

Ce poème est une merveille...
Mais il faut également écouter Jean Ferrat le chanter...

Alors, on a l'impression que les vers n'attendaient que les notes et la voix...

Je sais que le sujet est parfois tabou: faut-il mettre des vers en musique ?

Pour ma part, je pense qu'il faut essayer et quand le mariage est réussi, quand le musicien a parfaitement respecté la mélodie intérieure du poème, alors le résultat peut être "effrayant" de beauté.
Ferrat et Brassens, entre autres, ont excellé dans cet exercice.

Bises
phaeton

Oui, un très beau poème, vraiment...


Je pense comme Phaeton que la musique apporte la vie aux poèmes, la voix y met son émotion.
Il n'y a plus cette lecture plate qui nivelle la force les mots.

Pour ma part, je suis totalement pour ! (pourvu en effet que ce soit fait avec talent et dans le respect du texte...)

D'ailleurs, si j'avais été musicienne, et si j'avais eu de la voix (donc dans une autre vie peut-être ) j'aurais tenté d'écrire des chansons, pas des poèmes...

Merci du partage Galia Boop

Tout pareil Alodis !!!

Il n´est nul besoin d´avoir de la voix, ni être musicien pour écrire des chansons Alodis. Tu peux me croire.

Puis comme cette majorité absolue qui me précède, je trouve également qu´il fut dommageable que ce texte ne fut jamais chanté. Merci pour ce partage Galia.

kendor a écrit:

Il n´est nul besoin d´avoir de la voix, ni être musicien pour écrire des chansons Alodis. Tu peux me croire.

Heu, oui, on en a plein d'exemples de nos jours... mais enfin je préfère encore ne rien tenter que suivre ce chemin

Bientôt peut-être, quelque-chose de meilleur ?

Heu... non, même pas


Par contre, si un compositeur et un chanteur talentueux passent dans le coin, je suis preneuse !!!

https://www.youtube.com/watch?v=gqB_lIKaPl0

pour ceux qui ne connaitraient pas la version chantée par Jean Ferrat

Merci ô pour avoir ramené ces mots à mon écoute.