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| | Lettre de Rimbaud | |
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Dyane Modératrice
Nombre de messages : 3922 Localisation : Le Pays des Ducs de Bourgogne Loisirs : Poésie-photo-tir à l'arc-danse-sculpture-tout ce qui touche à la nature et au partage Date d'inscription : 05/10/2008
| Sujet: Lettre de Rimbaud Jeu 2 Fév - 20:50 | |
| Monsieur Georges Isambart, professeur 27, rue de l'Abbaye-des-champs, à Douai, Nord. Charleville, 13 mai 1871. Cher Monsieur ! Vous revoilà professeur. On se doit à la Société, m'avez-vous dit ; vous faites partie des corps enseignants : vous roulez dans la bonne ornière. − Moi aussi, je suis le principe : je me fais cyniquement entretenir ; je déterre d'anciens imbéciles de collège : tout ce que je puis inventer de bête, de sale, de mauvais, en action et en parole, je le leur livre : on me paie en bocks et en filles. − Stat mater dolorosa, dum pendet filius. − Je me dois à la Société, c'est juste, − et j'ai raison. − Vous aussi, vous avez raison, pour aujourd'hui. Au fond, vous ne voyez en votre principe que poésie subjective : votre obstination à regagner le râtelier universitaire, − pardon! − le prouve ! Mais vous finirez toujours comme un satisfait qui n'a rien fait, n'ayant voulu rien faire. Sans compter que votre poésie subjective sera toujours horriblement fadasse. Un jour, j'espère, − bien d'autres espèrent la même chose, − je verrai dans votre principe la poésie objective, je la verrai plus sincèrement que vous ne le feriez ! − Je serai un travailleur : c'est l'idée qui me retient, quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris − où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais; je suis en grève. Maintenant, je m'encrapule le plus possible. Pourquoi ? Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. − Pardon du jeu de mots. − Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait ! Vous n'êtes pas Enseignant pour moi. Je vous donne ceci : est-ce de la satire, comme vous diriez ? Est-ce de la poésie ? C'est de la fantaisie, toujours. − Mais, je vous en supplie, ne soulignez ni du crayon, ni − trop − de la pensée : LE CŒUR SUPPLICIÉ Mon triste cœur bave à la poupe ... Ça ne veut pas rien dire. − RÉPONDEZ-MOI : chez M. Deverrière, pour A. R. Bonjour de cœur, Art Rimbaud | |
| | | kendor Corsaire des Mers
Nombre de messages : 2156 Localisation : La Source Loisirs : Chatouiller les philosophes Date d'inscription : 13/12/2009
| | | | Dyane Modératrice
Nombre de messages : 3922 Localisation : Le Pays des Ducs de Bourgogne Loisirs : Poésie-photo-tir à l'arc-danse-sculpture-tout ce qui touche à la nature et au partage Date d'inscription : 05/10/2008
| Sujet: Re: Lettre de Rimbaud Jeu 2 Fév - 21:35 | |
| J'aime ces mots que j'ai voulu vous faire partager... J'aime Rimbaud. J'aime les letres.... et sans doute j'ai secrètement voulu vous donner l'envie de participer au jeu sur les lettres qui ne fait pas "recette" sourire... Et puis quel regard....Il est si beau Arthur.... | |
| | | comte de l'isle abel Capitaine
Nombre de messages : 554 Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: Lettre de Rimbaud Dim 5 Fév - 17:21 | |
| j'aime les correspondances et leur synchronicité! la semaine dernière je faisais des recherches sur Rimbaud et voici un extrait d'une lettre, du 15 mai 1871, adressée à Paul Demeny "Lettre du voyant
(...) On n'a jamais bien jugé le romantisme; qui l'aurait jugé? les critiques!! Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l'oeuvre, c'est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur?
Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est évident : j'assiste à l'éclosion de ma pensée : je la regarde, je l'écoute : je lance un coup d'archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d'un bond sur la scène.
Si les vieux imbéciles n'avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n'aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini,! ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s'en clamant les auteurs!
En Grèce, ai-je dit, vers et lyres rhythment l’Action. . Après, musique et rimes sont jeux, délassements. L’étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s’éjouissent à renouveler ces antiquités : — c’est pour eux. L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes ramassaient une partie de ces fruits du cerveau : on agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, l’homme ne se travaillant pas, n’étant pas encore éveillé, ou pas encore dans la plénitude du grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète, cet homme n’a jamais existé ! La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage.
Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé !(...)" je parle des correspondances entre la proposition de Dyane et mes lectures de ces correspondances là!!hi!hi! | |
| | | comte de l'isle abel Capitaine
Nombre de messages : 554 Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: Lettre de Rimbaud Dim 5 Fév - 17:25 | |
| encore un passage de la même lettre de ce poète voyant et visionnaire... "(...)Donc le poète est vraiment voleur de feu. Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme : si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ; — Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra ! Il faut être académicien, — plus mort qu’un fossile, — pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie !- Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle : il donnerait plus — (que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Enormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès ! Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; — Toujours pleins du Nombre et de l’Harmonie ces poèmes seront faits pour rester. — Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque. L’art éternel aurait ses fonctions ; comme les poètes sont citoyens. La Poésie ne rhythmera plus l’action, elle sera en avant. Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme, jusqu’ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons.(...)" | |
| | | Dyane Modératrice
Nombre de messages : 3922 Localisation : Le Pays des Ducs de Bourgogne Loisirs : Poésie-photo-tir à l'arc-danse-sculpture-tout ce qui touche à la nature et au partage Date d'inscription : 05/10/2008
| Sujet: Re: Lettre de Rimbaud Dim 5 Fév - 18:54 | |
| Oui je les ai lues aussi lors de mes recherches, un pur régal...Merci de les faire partager à tous Bisous | |
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| Sujet: Re: Lettre de Rimbaud | |
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| | | | Lettre de Rimbaud | |
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