Raconte moi papy, repeins ce monde là,
c'est bien toi qui disais les profondes campagnes,
le chantant roitelet et la pourpre au lilas,
les tritons, les corbeaux, le vieil ogre et son pagne.
Ecoute bien fiston, imagine des mains
et au bout mille doigts tout parés de dentelle.
Il était des forêts et chaque arbre demain
aurait pu te donner la mémoire immortelle.
Raconte moi grand-père, étourdis-moi de tout,
où courait le ruisseau, où chantait la rivière ?
Quel est cet épagneul qui te suivait partout,
Faisant peur aux moutons, ami d'une bouvière ?
Ecoute bien petit, fais-en des souvenirs,
invente cette image : une douce mésange
qui s'envole au printemps pour bientôt revenir
au chevet de ton lit quand tu rêves d'un ange.
Raconte-moi l'ancien, pourquoi tous ces grands champs ?
Pourquoi ce vent qui souffle et que plus rien n'arrête,
qui ravine la terre et cache le couchant ?
Etait-ce ici pépé que tu contais fleurette ?
Ecoute-bien gamin, nous tous étions déments,
des hommes sans valeur ont ignoré le monde,
nous nous avons dormi bien trop profondément
pendant qu'ils fabriquaient notre futur immonde...