Dyane Modératrice
Nombre de messages : 3922 Localisation : Le Pays des Ducs de Bourgogne Loisirs : Poésie-photo-tir à l'arc-danse-sculpture-tout ce qui touche à la nature et au partage Date d'inscription : 05/10/2008
| Sujet: Le secret de Suzanne (5) Dim 4 Mar - 17:18 | |
| J’ai replacé délicatement la lettre dans son enveloppe et j’ai pris la suivante.J’ai souri voyant le timbre et j’ai imaginé combien mon grand-père a dû être fier s’il a reçu une lettre ainsi timbrée. Mon grand-père était cheminot à l’époque des machines à vapeur. Je me souviens comme il en parlait avec passion. J’ai su aussi, par quelques indiscrétions, comme il avait œuvré auprès de la résistance pendant la guerre mais de cela jamais il ne m’a parlé. Pourtant nous étions si complices lorsque je suis devenue adolescente. ..Cette fois la lettre que j’ai sorti de l’enveloppe était écrite sur du papier blanc, toujours d’une écriture appliquée.« Monsieur l’instituteur,J’ai bien reçu vos lettres et j’aime y retrouver les nouvelles du pays. Je n’ai reçu qu’une carte de mes parents depuis mon départ mais je sais désormais par vous que vous leur donnez de mes nouvelles et que vous m’en donneriez aussi s’il leur arrivait malheur.Je suis heureuse que Clément ait pris femme et se soit installé près de vous, madame votre femme doit être heureuse d’avoir son fils près d’elle et vous aussi bien sûr. J’espère qu’il a accepté son handicap à l’heure qu’il est. Au moins cela l’aura-t-il épargné de cette guerre qui n’en finit pasComme je vous l’ai dit j’ai dû quitter Lons pour Champagnole lorsque les troupes allemandes ont envahi la zone libre.Je travaille à la ferme. Cela a été un peu difficile au début. J’avais peur des chevaux et des vaches et n’appréciaient guère de devoir m’en occuper.J’aide aussi quelques jours par mois à l’hôpital. J’y assiste les infirmières qui soignent avec la même attention les malades qu’ils soient Allemands ou Français. Je suis admirative de leur abnégation et leur dévouement. Je mets en pratique ce que vous m’avez appris et à mon tour j’apprends à lire le Français à un jeune Allemand loin de sa famille et qui a une vilaine blessure dont on ne sait encore si elle l’emportera ou pas.Ne racontez pas ceci à mon père ni à mes amis, ils ne comprendraient pas. Mais vous, je suis certaine que vous aurez compris que transmettre est pour moi important et qu’après tout il est de bonnes gens de chaque côté de la frontière.Je vais avoir Dix-neuf ans dans quelques jours, déjà trois longues années que j’ai quitté le pays. Si vous saviez comme me manque cette vie que j’ai pourtant si souvent maudite. Je me souviens lorsque vous me disiez « Suzanne part, va apprendre la vie. On ne peut retenir celui veut partir. Un jour tu n’auras de cesse de revenir mais jamais tu ne retrouveras les choses telles que tu les auras laissées. Alors entretiens tes souvenirs sans en faire des chimères mais de belles références pour les jours à venir ». Je n’avais pas saisi alors tout ce que renfermaient ces mots. Aujourd’hui, je l’envisage bien mieux.Embrassez mes parents, mes amis, votre femme, Clément, son épouse..Je pense à vous tousSuzanne | |
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