Le secret de Suzanne (8)

Frantz ce doit être cet homme sur le banc sans doute et Le lac, Genève…Petit à petit se reforme le puzzle.

La lettre suivante date de 1965

Monsieur l’instituteur,

Je crois que vous ne vous déferez jamais de ce titre là et j’aime tant me souvenir de cette époque que je l’entretiens.

Comme les années passent vite. Daniel vient d’avoir cinq ans et Michel son grand frère en est très fier. Je donnerais tout ce que j’ai pour qu’un jour mes trois fils soient réunis.

J’aurais aimé aussi avoir fait « la paix » avec Louis avant qu’il ne décède. Le chagrin de mes parents m’a déchirée et leur pardon qui a du tant leur coûter aussi. J’ai expliqué à Jean toute mon histoire et pourquoi Louis lorsqu’il l’a découverte m’en a tellement voulu. « Pourquoi n’as-tu rien dit, je t’aurais aidée !! . J’ai toujours pensé que tu avais avorté, que cet enfant était le fruit que d’une simple aventure avec un boche !! Pourquoi n’as-tu rien dit !!! » Il était dans une colère noire. Je crois qu’il a cherché jusqu’à sa mort à retrouver mon fils. Tout ce temps bâti sur des non-dits, des mensonges, des silences. Toutes ces réunions de famille où je me murais dans la préciosité pour échapper aux pics. Louis qui savait la vérité vraie..Mes parents qui avaient demandé pardon mais ne savaient pas toute l’histoire…Jean que tout le monde avait pris soin de laisser en dehors de tout cela et qui ne comprenait pas pourquoi nous ne profitions pas de nos retrouvailles si peu fréquentes plutôt que nous chamailler….Et ce secret qui planait dans la maison familiale…

Georges que tout le monde prenait pour un « brave con » ayant épousé cette fille indigne. Georges qui ne sait toujours pas que cet enfant est vivant mais qui a accepté que j’aie pu aimer avant lui... Jean souhaiterait que je lui raconte tout, mais j’ai si peur de lui faire du mal.

Aux prochaines vacances ma filleule viendra passer quelques jours à la maison, il y a entre elle et Jo une complicité qui me fascine. Ils se parlent avec les yeux comme dit la petite. J’envie parfois leur relation mais je ne parviens plus à établir des liens de tendresse depuis trop longtemps déjà, même avec Georges et les enfants…

Veillez sur mes parents, je sais combien la perte de leur fils aîné leur est pénible. Heureusement Jean fait leur fierté dans son bel uniforme de marin et avec sa jolie petite famille.

Je vous embrasse

Suzanne