Par ce beau matin, celui d´ un jeudi de septembre,
Un petit gredin, musard en sa folle bohême d´automne,
Les yeux pleins d´un soleil aux tons chaleureux et d´ambre,
Avant que ne s´en vienne de saison la langueur monotone
Et auquel on avait dit : « regarde chaque jour une fleur »,
Croisa sur son chemin une grande et gracieuse asperge,
Posée là, esseulée, toute blanche, presque de la pâleur
Qu´offre pieusement une ardente chapelle à chaque cierge.
Les jeudis de septembre ont ceci de magique
Qu’ils changent le ciel gris du préau de l’école
En grand bleu sur un monde fantastique,
Où résonnent les espiègles paroles
De chansons bruyamment entonnées
Moquant qui la rose, qui violette.
Mais l’étrange asparagacée agacée
Priait pour que le gredin eut la glotte muette.
Elle semblait tout droit sortie de la botte de Manet
Attendant de retrouver un tableau sans partage,
Posée enfin, qu´aucun intrus passé là à flâner
Ne s´en vint à en tirer plaisir ou avantage.
Le gredin, éloquent, au désarroi de la belle potagère
La salua et lui demanda si elle s´était égarée,
La nommant, courtois, au passage , « belle étrangère »,
Exaspérante approche pour une flamme déclarée.
Egarée ? Non point jeune insolent !
Mon teint d’albâtre eût trop souffert
Au potager, entre les haricots grimpants,
Aussi j’espère ici la venue du géant vert,
Qui au terme d’un bon duel
Saura bien vous mettra en boîte,
Et mieux q’un Manet, me croquera sensuelle
Etant pour le sieur l’égérie adéquate.
Ainsi donc le voyait-elle jeune et bien évidemment à tort
Mais insolent ma foi et cela à très juste titre
Car gredin il était qui rétorqua d´une voix de stentor :
« D´un bon duel avec votre Goliath chlorophyllé ne serai le pitre,
Certes il semble de bonne conserve mais a le rire bête
A faire, je vois, fondre au beurre une belle et grande asperge
Puis à se briser aisément les reins à la moindre courbette
Pour une délicieuse aux faux airs de sainte-Vierge.
D’aussi loin qu’il m’en souvienne
Il y a toujours une vache qui rit
Des importuns que le vent m’amène…
Et même si « casse-grains » vous qualifie,
Je m’amuse de votre verve outragée
Et malgré l’ingérence de votre grain de sel,
J’apprécie que votre esprit gai rende
Ma morne attente un peu moins cruelle.
Jouez-moi, gredin, votre sarabande !
Gaussez-vous à raison, votre sort est joué,
D´une sauce hollandaise je vous habillerai
Et à cette seule pensée me voici enjoué
A l´idée de cette heure où je dégusterai
Vos subtiles effluves avant que mon palais
Vous accueille croquante autant que savoureuse
Hésitant toutefois, me disant, si je vous avalais,
Me priver des plaisirs pris à la belle aventureuse.
Monsieur, celui qui crie le plus haut
Est celui que l’on voit faiblir,
Gardez votre sauce au frigo
Je crains de la voir rancir.
Vous alors, asperger une asperge
Quelle étrange idée !
Et si ce n’est d’huile vierge
J’en serais offusquée !
Je renonce à ma sauce, à l´huile et au festin
Car à vous voir rebelle autant qu´épanouie
Je vous sais bien plus alors que de menu fretin,
Pour un gredin, reconnaissez, chose, ma foi, inouie.
Il semblerait qu´à vos dépends je m´adoucisse,
Un peu comme si mon esprit tranquillement vieillissant
Se conformait à la texture de votre chais sans qu´il s´agisse
Pour autant, snif, qu´il soit soudain renaissant.
Je goûte bien davantage votre présence,
Vous voyant fondre tel un gratin de gredin,
Mais à discuter en coquine connivence
Ne voyez-vous s'approcher le lapin crétin !
Cueillez-moi donc et ayez l'allure vive
Je m'imagine bien mieux entre vos doigts
Qu'entre quatre grandes incisives
Qui d'un "croc" vous priveraient de moi !