Du néant dans le coeur

Un Apôtre endolori de son amour perdu
Gît sur le sol qu'il a autrefois tant foulé,
De sa plume et son encre uniquement vêtu,
Ne faisant alors qu'arpenter le monde aimé.
Il est à présent étendu là, tout à fait nu,
Aussi dévêtu que sa plume fut charnue
De faire se mouvoir ses personnages d'encre,
Dans l'espace blanc de papier de quelques pages.
Mais la plume a fini par noyer sa création,
Les étoiles toutes en ténèbre ont fondu,
Sans que le Monde ne cesse son ovation
Bruissante du néant, aux illusions rompu.
Et le Monde l'abandonne sans aucune crainte,
Lui l'Apôtre, comme il sait que leur union approche,
Le vide se joignant au vide en une étreinte,
Parmi un léger parfum d'encre noire, si proche.
Mais le monde longtemps aimé, l'intimité
D'encre déchue, ne peuvent l'apporter au Monde,
Ce néant-là est trop bruyant, trop plein de songes;
Il ne lui faut que des yeux à la courbe ronde.
Alors la plume seule s'unira au Monde
L'homme saura se contenter d'un regard, bu
Aux confins d'une pièce où l'orage s'allume,
Comme un amour qui ne sait que ce qu'il a vu.
De cela, la plume ne peut peindre qu'un jeu
De lumière éphémère, seul un regard refonde
L'éternité dans le cours de l'eau, tel un je
Qui se trouve sur la surface de ses yeux.
Et même quand les yeux à jamais disparaissent,
Le néant ne cesse de battre en sa poitrine;
Il s'est vu plus qu'il n'a dissipé l'ombre épaisse,
De laquelle pointe pourtant son origine.
Mais ce néant, si pur, ne permet plus à l'homme
De marcher dans le Monde déçu, qui l'ignore
Désormais, et le dénude par son vacarme,
Voulant lui faire croire que son coeur est mort.