Il pleuvait. Elle aimait les parfums de la pluie, de la terre, de l’herbe et appréciait le brillant que prenaient les couleurs sous la pluie. Les verts surtout. Elle remarqua quelques grosses perles d’eau aux branches du cornouiller et des ribambelles de gouttelettes sur les feuilles des tulipes. Elle se dit qu’il faudrait qu’elle en profite pour prendre quelques photos.
Elle referma la fenêtre, remis en place les stores japonais. Elle repoussait l’instant où elle se retrouverait face à face avec les pages du livre et en même temps, elle éprouvait à la fois de la crainte et de l’impatience.
Elle prit sa respiration et se saisit de cet objet qui la bouleversait tant. Comment un petit parallélépipède de quinze sur vingt centimètres pouvait-t-il lui faire peur ! C’était ridicule ! Pas à elle !
- « tu ne me fais pas peur » lui dit-t-elle à haute voix
- « tu n’es qu’un amas de feuilles. Tu ne sais toute ma vie. Tu ne sais mes doutes, mes chagrins, mes amours, mes amis, mes envie…. »
- « D’ailleurs je ne devrais pas te parler, tu n’as d’âme, de cœur, d’intelligence qu’au travers de ton auteur !!! »
Elle se surprit à sourire. Elle avait tant et tant de fois acheté un livre après l’avoir senti, touché. Juste quand un courant était passé entre elle et le manuscrit.
- « Allez, dis-moi, qu’on en finisse ! »
Elle ouvrit au hasard. Une page blanche. Recommença – Une page blanche – Une troisième fois – De nouveau une page blanche
Elle les fit toutes tourner entre ses doigts….Toutes les pages étaient blanches.
On lui jouait un mauvais tour. Ce n’était pas possible. Elle n’avait pas rêvé l’épisode précédent. Elle avait lu la fin. Etait passée sur la préface.
Oubliant son petit déjeuner, elle attrapa son appareil photo et sous la pluie fit le tour du jardin. La soie collait à sa peau, dessinait ses seins. Pendant un quart d’heure, elle photographia, tout et n’importe quoi.
Puis elle se fit un café s’assit parterre, le dos au mur du salon, les yeux rivés sur le livre.
Elle reposa la tasse à ses pieds, agrippa ses genoux dans ses bras comme elle le faisait si souvent au bord de l’océan et se berça longuement, laissant aller ses larmes sur sa poitrine encore ruisselante de pluie.
Doucement, tout doucement, elle revint au livre. Le caressa du revers de la main et emporta son regard à sa fin.
- « Souvenez-vous Madame, que jamais vos ne pourrez sauver le monde. Que vous ne………. » « Vivez que diable, vivez. Egoïstement vivez ! »
Elle se souvenait de ces phrases et pourquoi ce médecin les lui disait. Elle eut un frisson. Elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas revivre ces instants- là.
Elle prit son porte-plume et écrivit le mot « FIN ». Reposa le livre et parti prendre une douche.
Elle sentait l’eau chaude couler de sa tête à ses épaules, ses seins. Longtemps elle resta le visage offert à l’eau. Elle était bien.
Elle enfila sa dentelle, ses bas, sa petite robe rouge et noire. Fit un fin trait eye- liner noir autour de ses yeux verts et redescendit au salon.
Fermement elle attrapa le livre.
Juste avant le mot « fin ». Elle lut « Décide d’être et tu seras »